Éditions enrichies :
- Introduction et conclusion
-Biographie détaillée et bibliographie de l'auteur
-Contexte Historique
-Notes
Extrait Splendeurs et misères des courtisanes :
À S. A. LE PRINCE ALFONSO SERAFINO DI PORCIA.
Laissez-moi mettre votre nom en tête d’une œuvre essentiellement parisienne et méditée chez vous ces jours derniers. N’est-il pas naturel de vous offrir les fleurs de rhétorique poussées dans votre jardin, arrosées de regrets qui m’ont fait connaître la nostalgie, et que vous avez adoucis quand j’errais sous les boschetti dont les ormes me rappelaient les Champs-Élysées ? Peut-être rachèterai-je ainsi le crime d’avoir rêvé Paris en face du Duomo, d’avoir aspiré à nos rues si boueuses sur les dalles si propres et si élégantes de Porta Renza. Quand j’aurai quelques livres à publier qui pourront être dédié à des Milanaises, j’aurai le bonheur de trouver des noms déjà chers à vos vieux conteurs italiens parmi ceux des personnes que nous aimons, et au souvenir desquelles je vous prie de rappeler
Votre sincèrement affectionné,
De Balzac.
Août 1838.
Première partie.
Esther heureuse
En 1824, au dernier bal de l’Opéra, plusieurs masques furent frappés de la beauté d’un jeune homme qui se promenait dans les corridors et dans le foyer, avec l’allure des gens en quête d’une femme retenue au logis par des circonstances imprévues. Le secret de cette démarche, tour à tour indolente et pressée, n’est connu que des vieilles femmes et de quelques flâneurs émérites. Dans cet immense rendez-vous, la foule observe peu la foule, les intérêts sont passionnés, le désœuvrement lui-même est préoccupé. Le jeune dandy était si bien absorbé par son inquiète recherche, qu’il ne s’apercevait pas de son succès : les exclamations railleusement admiratives de certains masques, les étonnements sérieux, les mordants lazzis, les plus douces paroles, il ne les entendait pas, il ne les voyait point.
Extrait Les Secrets de la princesse de Cadignan :
À THEOPHILE GAUTIER.
Après les désastres de la Révolution de Juillet qui détruisit plusieurs fortunes aristocratiques soutenues par la Cour, madame la princesse de Cadignan eut l’habileté de mettre sur le compte des événements politiques la ruine complète due à ses prodigalités. Le prince avait quitté la France avec la famille royale en laissant la princesse à Paris, inviolable par le fait de son absence, car les dettes, à l’acquittement desquelles la vente des propriétés vendables ne pouvait suffire, ne pesaient que sur lui. Les revenus du majorat avaient été saisis. Enfin les affaires de cette grande famille se trouvaient en aussi mauvais état que celles de la branche aînée des Bourbons.
Cette femme, si célèbre sous son premier nom de duchesse de Maufrigneuse, prit alors sagement le parti de vivre dans une profonde retraite, et voulut se faire oublier. Paris fut emporté par un courant d’événements si vertigineux, que bientôt la duchesse de Maufrigneuse, enterrée dans la princesse de Cadignan, mutation de nom inconnue à la plupart des nouveaux acteurs de la société mis en scène par la Révolution de Juillet, devint comme une étrangère.
En France, le titre de duc prime tous les autres, même celui de prince, quoiqu’en thèse héraldique pure de tout sophisme, les titres ne signifient absolument rien, et qu’il y ait égalité parfaite entre les gentilshommes. Cette admirable égalité fut jadis soigneusement maintenue par la maison de France ; et, de nos jours, elle l’est encore, au moins nominalement, par le soin qu’ont les rois de donner de simples titres de comtes à leurs enfants. Ce fut en vertu de ce système que François Ier écrasa la splendeur des titres que se donnait le pompeux Charles-Quint en lui signant une réponse : François, seigneur de Vanves. Louis XI avait fait mieux encore, en mariant sa fille à un gentilhomme sans titre, à Pierre de Beaujeu. Le système féodal fut si bien brisé par Louis XIV
- Introduction et conclusion
-Biographie détaillée et bibliographie de l'auteur
-Contexte Historique
-Notes
Extrait Splendeurs et misères des courtisanes :
À S. A. LE PRINCE ALFONSO SERAFINO DI PORCIA.
Laissez-moi mettre votre nom en tête d’une œuvre essentiellement parisienne et méditée chez vous ces jours derniers. N’est-il pas naturel de vous offrir les fleurs de rhétorique poussées dans votre jardin, arrosées de regrets qui m’ont fait connaître la nostalgie, et que vous avez adoucis quand j’errais sous les boschetti dont les ormes me rappelaient les Champs-Élysées ? Peut-être rachèterai-je ainsi le crime d’avoir rêvé Paris en face du Duomo, d’avoir aspiré à nos rues si boueuses sur les dalles si propres et si élégantes de Porta Renza. Quand j’aurai quelques livres à publier qui pourront être dédié à des Milanaises, j’aurai le bonheur de trouver des noms déjà chers à vos vieux conteurs italiens parmi ceux des personnes que nous aimons, et au souvenir desquelles je vous prie de rappeler
Votre sincèrement affectionné,
De Balzac.
Août 1838.
Première partie.
Esther heureuse
En 1824, au dernier bal de l’Opéra, plusieurs masques furent frappés de la beauté d’un jeune homme qui se promenait dans les corridors et dans le foyer, avec l’allure des gens en quête d’une femme retenue au logis par des circonstances imprévues. Le secret de cette démarche, tour à tour indolente et pressée, n’est connu que des vieilles femmes et de quelques flâneurs émérites. Dans cet immense rendez-vous, la foule observe peu la foule, les intérêts sont passionnés, le désœuvrement lui-même est préoccupé. Le jeune dandy était si bien absorbé par son inquiète recherche, qu’il ne s’apercevait pas de son succès : les exclamations railleusement admiratives de certains masques, les étonnements sérieux, les mordants lazzis, les plus douces paroles, il ne les entendait pas, il ne les voyait point.
Extrait Les Secrets de la princesse de Cadignan :
À THEOPHILE GAUTIER.
Après les désastres de la Révolution de Juillet qui détruisit plusieurs fortunes aristocratiques soutenues par la Cour, madame la princesse de Cadignan eut l’habileté de mettre sur le compte des événements politiques la ruine complète due à ses prodigalités. Le prince avait quitté la France avec la famille royale en laissant la princesse à Paris, inviolable par le fait de son absence, car les dettes, à l’acquittement desquelles la vente des propriétés vendables ne pouvait suffire, ne pesaient que sur lui. Les revenus du majorat avaient été saisis. Enfin les affaires de cette grande famille se trouvaient en aussi mauvais état que celles de la branche aînée des Bourbons.
Cette femme, si célèbre sous son premier nom de duchesse de Maufrigneuse, prit alors sagement le parti de vivre dans une profonde retraite, et voulut se faire oublier. Paris fut emporté par un courant d’événements si vertigineux, que bientôt la duchesse de Maufrigneuse, enterrée dans la princesse de Cadignan, mutation de nom inconnue à la plupart des nouveaux acteurs de la société mis en scène par la Révolution de Juillet, devint comme une étrangère.
En France, le titre de duc prime tous les autres, même celui de prince, quoiqu’en thèse héraldique pure de tout sophisme, les titres ne signifient absolument rien, et qu’il y ait égalité parfaite entre les gentilshommes. Cette admirable égalité fut jadis soigneusement maintenue par la maison de France ; et, de nos jours, elle l’est encore, au moins nominalement, par le soin qu’ont les rois de donner de simples titres de comtes à leurs enfants. Ce fut en vertu de ce système que François Ier écrasa la splendeur des titres que se donnait le pompeux Charles-Quint en lui signant une réponse : François, seigneur de Vanves. Louis XI avait fait mieux encore, en mariant sa fille à un gentilhomme sans titre, à Pierre de Beaujeu. Le système féodal fut si bien brisé par Louis XIV