Depuis vingt-deux ans, ils étaient mari et femme ; pendant dix-neuf
ans leur vie avait été aussi calme et heureuse que pouvaient la rendre une
droiture parfaite d’un côté, et une confiance et une soumission complète
de l’autre. On aurait pu encadrer et suspendre chez eux la fameuse règle
de Milton pour la vie conjugale ; il était vraiment l’interprète entre Dieu
et elle ; et elle aurait eu honte d’elle-même si elle avait seulement osé se
dire qu’il était sévère ; cependant, autant il était honnête et droit, autant
il était dur, austère, inflexible. Mais depuis trois ans le murmure n’était
jamais sorti du coeur de la femme ; elle s’était révoltée contre son mari
comme un tyran, et sa révolte cachée, morne, avait fait disparaître toute
trace d’affection et de soumission conjugales, empoisonnant les sources
d’où découlaient naguère une tendresse et un respect inépuisables.
Les dernières paroles de Jacques Leigh l’avaient replacé sur son trône
dans le coeur de sa femme, et éveillé une amère repentance pour toute la
froideur des années passées. C’est ce sentiment qui lui fit refuser toutes
les instances de ses fils, qui l’engageaient à voir les bons voisins qui s’arrêtaient
en se rendant à l’église pour lui offrir leur sympathie et leurs
consolations. Elle voulait rester avec ce mari mort qui lui avait parlé si
tendrement à la fin, après avoir gardé le silence pendant trois ans ; qui
sait ? si elle avait été plus douce, moins irritée, moins réservée, peut-être
aurait-il cédé plus tôt… et à temps !
ans leur vie avait été aussi calme et heureuse que pouvaient la rendre une
droiture parfaite d’un côté, et une confiance et une soumission complète
de l’autre. On aurait pu encadrer et suspendre chez eux la fameuse règle
de Milton pour la vie conjugale ; il était vraiment l’interprète entre Dieu
et elle ; et elle aurait eu honte d’elle-même si elle avait seulement osé se
dire qu’il était sévère ; cependant, autant il était honnête et droit, autant
il était dur, austère, inflexible. Mais depuis trois ans le murmure n’était
jamais sorti du coeur de la femme ; elle s’était révoltée contre son mari
comme un tyran, et sa révolte cachée, morne, avait fait disparaître toute
trace d’affection et de soumission conjugales, empoisonnant les sources
d’où découlaient naguère une tendresse et un respect inépuisables.
Les dernières paroles de Jacques Leigh l’avaient replacé sur son trône
dans le coeur de sa femme, et éveillé une amère repentance pour toute la
froideur des années passées. C’est ce sentiment qui lui fit refuser toutes
les instances de ses fils, qui l’engageaient à voir les bons voisins qui s’arrêtaient
en se rendant à l’église pour lui offrir leur sympathie et leurs
consolations. Elle voulait rester avec ce mari mort qui lui avait parlé si
tendrement à la fin, après avoir gardé le silence pendant trois ans ; qui
sait ? si elle avait été plus douce, moins irritée, moins réservée, peut-être
aurait-il cédé plus tôt… et à temps !