Les personnes étrangères aux études médicales : hommes de lettres ou du monde, romanciers, chroniqueurs, simples gobe-mouches qui parlent, écrivent, discourent sur le propos de la morphine et de la morphinomanie, ignorent, la plupart du temps, le premier mot de leur sujet. Ils préconisent avec un aplomb qui déconcerte, des lieux communs aussi vagues qu’erronés. Bon nombre de docteurs ne sont guère plus instruits que le public sur les arcanes du voluptueux et sinistre poison. Les plus avisés décernent leur clientèle au spécialiste ; d’autres, moins éclairés ou moins délicats, proposent des traitements infructueux et chimériques. Optimistes à l’excès, d’aucuns, regardent la morphinomanie comme une « mauvaise habitude », comparable à celle des cartes ou du tabac. Ils prétendent la guérir par des procédés aimables ou de spécieuses diversions : promenades, théâtre, injections d’eau claire et tout ce qui s’en suit. D’autres enfin, cyniques faiseurs de dupes, exploitent, sous couleur de la traiter, cette « maladie expérimentale » qui, à moins d’une cure efficace et rationnelle, permise aux thérapeutes seuls outillés pour cet objet, n’a d’autre aboutissant que le désespoir, la vésanie ou la mort.
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