Ce qu’il faut retenir de l’épisode de la Tour de Babel, qui a inscrit dans la mythologie du monde occidental le lien entre parole et pouvoir, ce n’est pas le fait que la diversité des langues ait semé la confusion chez les hommes, anéantissant de facto leur projet gigantesque. Ce que met en exergue ce mythe, c’est le pouvoir attribué à la langue, puisqu’il a suffi, pour annihiler le pouvoir des hommes, de les priver de cette langue. Le rapport dialectique qu’entretiennent parole et pouvoir est une source constante d’inspiration et de réflexion. La permanence de cette problématique repose sur le caractère éminemment équivoque des liens susceptibles d’être noués entre ces deux modes d’expression : car il est remarquable que l’un comme l’autre puisse servir de support à la conquête de l’autre, et cette instrumentalisation réciproque potentielle explique la complexité des synergies sous-jacentes. En un mot, et en schématisant, la parole peut s’avérer aussi bien instrument d’aliénation que de libération. Ce thème est universel : il ne connaît pas de frontières, il est insensible au temps. La littérature nous le dit, qu’elle désire parler du réel, de mondes épiques ou imaginaires, et par delà tous les genres. Ces recherches en témoignent, qui explorent et analysent le discours à travers le prisme des tensions inhérentes au couple « parole et pouvoir » : Cervantès, Buzzati, Tolkien, Joyce et Pirandello... aucun n’échappe à la question, tous l’ont traitée.
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