La guerre, dont l’Europe paraît menacée pour le printemps prochain, fait peser une telle anxiété sur les esprits, que les événements les plus énormes perdent dès le lendemain la plus grande partie de leur importance, et que l’attention publique passe continuellement à l’ordre du jour sur les questions les plus graves ; c’est ce qui vient d’arriver pour le décret du 24 novembre. Les yeux fixés avec inquiétude du côté des Alpes, c’est à peine encore si la France a pris le temps de se replier sur elle-même et de réfléchir sur ses propres destinées. Ne semblerait-il pas, à la voir s’enquérant chaque jour avidement de ce qui se passe dans les chancelleries, que les intérêts des autres peuples la préoccupent beaucoup plus que les siens ? Qu’elle songe un peu plus à elle-même cependant, le cas en vaut la peine, ou elle finira par justifier ce propos d’un journal anglais, qui la comparait dernièrement à une commère qui va causer sur le pas de sa porte avec sa voisine, pendant que son rôti brûle.
Un des faits les plus extraordinaires dont l’histoire fasse mention vient de s’accomplir sous nos yeux. Un souverain, affermi dans son pouvoir par l’éclat de sa politique et l’affaissement des partis, vient de déposer spontanément une portion de ce pouvoir entre les mains de la nation qui lui avait donné un vote de confiance absolue.
Quels ont été les motifs de cette solennelle décision, et jusqu’à quel point la nation est-elle préparée à recevoir l’investiture de la liberté ? C’est ce que je voudrais examiner ici. Je n’appartiens à aucun parti, et je suis un homme nouveau ; c’est chose assez rare en un temps où les hommes, à peine débarqués dans le journalisme, vont se ranger au hasard sous le premier drapeau venu. Les gens de pouvoir ou d’opinion ne me sont connus ni par leurs bienfaits ni par leurs injures ; une voix sans notoriété ni talent, mais indépendante, peut mériter d’être entendue, même à côté de celles qui s’élèvent avec le prestige de la réputation, quand ces voix ont depuis longtemps jeté à tous les échos le cri de leur banalité ou de leur servitude.
Il y a peu de mérite, d’ailleurs, à écrire des brochures en ce temps-ci, il faut bien en convenir. Où sont donc celles qui reflètent un éclair de vérité, de passion ? Où le philosophe, le moraliste trouvera-t-il quelque physionomie, quelque aspect des tendances et de l’esprit de notre époque dans ces pâles publications, où l’on spécule sur un nom connu pour gagner quelques écus chez le libraire ? C’est la conspiration de la banalité. Le peuple, que l’on essaie de préparer au régime de la liberté, doit rire avec assez de dédain de l’usage qu’en font tous ces librettistes. Voilà donc les torrents de lumières que ces blasphémateurs sublimes tenaient en réserve pour le jour où la France aurait besoin de mille idées, de mille conseils pour en faire jaillir un principe ! Les hommes d’une certaine valeur, je le sais, dédaignent de descendre dans l’arène vulgaire où se débattent tous ces pauvres écrits. Pour nous, c’est la place publique cependant, c’est notre forum ; mais cette place, elle a été livrée aux faiseurs, qui peuvent y exercer impunément leur triste monopole… Mais je m’arrête, car, moi aussi, je descends dans cette arène, et, quoique je n’y descende pas sans passion, ce ne sont pas, du moins je l’espère, les passions d’un pamphlétaire.
Un des faits les plus extraordinaires dont l’histoire fasse mention vient de s’accomplir sous nos yeux. Un souverain, affermi dans son pouvoir par l’éclat de sa politique et l’affaissement des partis, vient de déposer spontanément une portion de ce pouvoir entre les mains de la nation qui lui avait donné un vote de confiance absolue.
Quels ont été les motifs de cette solennelle décision, et jusqu’à quel point la nation est-elle préparée à recevoir l’investiture de la liberté ? C’est ce que je voudrais examiner ici. Je n’appartiens à aucun parti, et je suis un homme nouveau ; c’est chose assez rare en un temps où les hommes, à peine débarqués dans le journalisme, vont se ranger au hasard sous le premier drapeau venu. Les gens de pouvoir ou d’opinion ne me sont connus ni par leurs bienfaits ni par leurs injures ; une voix sans notoriété ni talent, mais indépendante, peut mériter d’être entendue, même à côté de celles qui s’élèvent avec le prestige de la réputation, quand ces voix ont depuis longtemps jeté à tous les échos le cri de leur banalité ou de leur servitude.
Il y a peu de mérite, d’ailleurs, à écrire des brochures en ce temps-ci, il faut bien en convenir. Où sont donc celles qui reflètent un éclair de vérité, de passion ? Où le philosophe, le moraliste trouvera-t-il quelque physionomie, quelque aspect des tendances et de l’esprit de notre époque dans ces pâles publications, où l’on spécule sur un nom connu pour gagner quelques écus chez le libraire ? C’est la conspiration de la banalité. Le peuple, que l’on essaie de préparer au régime de la liberté, doit rire avec assez de dédain de l’usage qu’en font tous ces librettistes. Voilà donc les torrents de lumières que ces blasphémateurs sublimes tenaient en réserve pour le jour où la France aurait besoin de mille idées, de mille conseils pour en faire jaillir un principe ! Les hommes d’une certaine valeur, je le sais, dédaignent de descendre dans l’arène vulgaire où se débattent tous ces pauvres écrits. Pour nous, c’est la place publique cependant, c’est notre forum ; mais cette place, elle a été livrée aux faiseurs, qui peuvent y exercer impunément leur triste monopole… Mais je m’arrête, car, moi aussi, je descends dans cette arène, et, quoique je n’y descende pas sans passion, ce ne sont pas, du moins je l’espère, les passions d’un pamphlétaire.